S’il y a une ombre qui plane sur les espoirs financiers déjà fragiles des médias béninois, c’est celle relative au décret n°2024-1297 du 6 novembre 2024 récemment relayé par la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) interdisant formellement la promotion auprès du grand public de tout médicament ou produit assimilé par les médias. Une décision qui, en apparence vise à encadrer la communication de secteurs sensibles mais dans les faits, frappe de plein fouet les recettes publicitaires, un pan déjà vulnérable du paysage médiatique. Et ce n’est pas uniquement le secteur de la santé qui est concerné. Selon le président de la HAAC, cette interdiction s’étend également à l’éducation, à la religion et à la justice. Une délimitation stricte de l’espace publicitaire qui sans nul doute, prive les médias d’importantes sources de financement. D’ailleurs pour certains, cette décision sonne comme une mise à l’écart progressive des organes de presse déjà privés de soutien structurel et financier. Ce qui est certain et connu de tous, les médias béninois notamment ceux du secteur privé ne roulent pas sur l’or. Leur modèle économique est construit à coups de petites annonces, de prestations ponctuelles, de partenariats institutionnels ou de campagnes saisonnières. Déjà, il est à rappeler que la réforme du système partisan a considérablement réduit les budgets politiques alloués aux médias. L’effervescence électorale ne se traduit plus en contrats publicitaires comme auparavant occasionnant la disparition progressive d’une part importante du gâteau. Et cette interdiction sans accompagnement tangible revient à priver un malade de sa dernière perfusion. Un tarissement soudain qui ne fera que précipiter la descente aux enfers d’un secteur déjà sous perfusion. On parle ici de salaires impayés, de journaux qui fermeront, de radios qui émettront par miracle, de sites d’information qui peineront à garder un hébergement stable. Cette nouvelle mesure qui s’applique à tous n’est donc qu’un clou de plus sur le cercueil, affirment plus d’un. Pour certains, cette situation frôle la stratégie. Comme si l’objectif caché était d’asphyxier progressivement les médias pour les rendre plus dépendants, plus dociles ou simplement moins nuisibles. Une hypothèse qui se nourrit d’observations récurrentes notamment les rares financements publics aux médias qui peinent à couvrir comme il se doit les charges des patrons de presse.
Le besoin d’un encadrement
Beaucoup pensent qu’il y avait moyen de faire autrement à commencer par le secteur éducatif très actif dans les médias notamment à l’approche des rentrées scolaires. En lieu et place d’un interdit brutal, ils suggèrent un encadrement rigoureux pour filtrer les contenus douteux tout en permettant aux structures sérieuses de continuer à communiquer. Car, disent-ils, ce ne sont pas les écoles bien établies ou les cliniques reconnues qui polluent l’espace médiatique mais une poignée d’acteurs véreux qu’il aurait suffi de réguler. Malheureusement, les médias désormais tenus de refuser des clients fidèles sous peine de sanctions verront leurs charges et factures s’accumuler. Une décision aux conséquences bien réelles avec toute une chaîne de survie qui s’effondre à petit feu. Car, ce ne sont pas seulement les annonceurs qui disparaissent mais des salaires qui sautent. Déjà, certaines rédactions n’imprimeront plus que trois ou quatre fois par mois. D’autres ne diffuseront plus que sur WhatsApp sachant que ces mêmes médias sollicités pour relayer des campagnes publiques, accompagner les efforts de sensibilisation, servir de relais entre les gouvernants et les gouvernés se retrouveraient sans un sou en caisse. Pendant ce temps, les influenceurs et des plateformes aux contenus approximatifs continueront leurs activités sans régulation, s’inquiètent beaucoup. Les dés étant jetés, des voix s’élèvent pour exhorter les autorités à assumer leur part de responsabilité en injectant des fonds dans les médias, en créant des mécanismes d’appels à projets, en encourageant la commande publique de contenus et en formant les journalistes à une publicité éthique.
*Dynamisme Info